On ne s'étonne plus aujourd'hui qu'un éditeur s'amuse à travestir, le temps d'un spin-off, sa franchise la plus lucrative, pour s'essayer à d'autres genres. Square Enix s'est essayé récemment aux jeux de combat, avec Dissidia, un véritable exutoire pour les fans, assurément pétri de fan service, mais terriblement addictif, et aux qualités ludiques indiscutables ! C'est donc avec bienveillance que la communauté a accueilli Theatrhythm Final Fantasy, un jeu de rythme musical, jouant plus que jamais avec notre fibre nostalgique. Si le concept peut paraître peu reluisant sur le papier, le titre dispose d'un très fort potentiel, porté par un contenu proprement hallucinant, et d'un gameplay efficace. La publication du titre sur notre territoire tient presque du miracle tant l'exercice du jeu musical est délicat sur notre sol. Du reste, l'appréciation d'un jeu de rythme musical est plus personnelle encore que celle d'un jeu de rôle traditionnel, aussi vous essayer à la démo jouable disponible gratuitement sur l'eshop pourrait s'avérer judicieux.
Skypirate
Le premier contact est difficile, l'interface paraît étrangement sophistiquée pour le genre, et on se rend compte qu'il faudra, hélas, se contenter d'une version anglaise. Depuis la traduction bâclée de Duodecim, les productions nomades subissent les affres du full anglais. Cela mérite réflexion, mais concernant Theatrhythm Final Fantasy, on pourra difficilement s'en plaindre. Le genre n'est pas trop bavard, et le plaisir auditif reste universel. En outre, le background s'enlise dans ce que la saga a su produire de plus convenu. Quatre héros sont élus pour empêcher le Cristal de la Mélodie de s'effondrer. Une entrée en matière qui peut hérisser le poil, mais on s'en accommodera sans difficulté.
Le plaisir de retrouver le meilleur des treize épisodes composant actuellement
la saga prend vite le pas sur ces broutilles. Le titre permet au joueur de s'amuser
comme il l'entend, il offre un plaisir immédiat, vous pouvez aussi bien enchaîner
jusqu'à l'écœurement toutes les pistes jouables, vous acharner pour obtenir le
meilleur score, et/ou arracher, à grosses gouttes, les plus beaux bonus. De
véritables trésors s'offrent alors au joueur persévérant, dont la dextérité
est récompensée généreusement. Mais pour en profiter, il faut au préalable
composer son équipe de quatre héros, parmi les protagonistes principaux des
treize épisodes. Chacun d'eux profite d'un look enfantin, en parfait écho avec
l'ambiance légère et décontractée de l'aventure. C'est un
monde sucré et psychédélique que l'on prend plaisir à fouler.
Chaque chapitre s'articule autour de trois sessions de jeu bien distinctes.
Elles mettent toutes à contribution votre stylet, et c'est sur l'écran tactile
que s'exprimeront logiquement vos réflexes. En marge de ces phases, chaque série
propose le sempiternel duo opening/ending n'offrant que très peu d'intérêt, sinon
marteler l'écran tactile afin de gargariser votre cristal et ainsi améliorer votre
prestation générale (on peut heureusement passer ces moments). Le gameplay est
construit autour de trois types de notes, et quelques variations plus anecdotiques.
Les rouges doivent être «cliquées», et se suivent souvent par petits groupes, les
jaunes vous invitent à glisser le stylet dans la bonne direction, quand les notes
vertes sont des passages appuyés qu'il faut suivre sans relâcher. L'interface est
visuellement parlante, sans artifices inutiles, et s'apprivoise en quelques instants.
Du mode classique, la section «Event Music Stages» est sans doute celle qui
parlera le plus aux fans. Des phases de jeu, ou des cinématiques défilent à
un rythme effréné à l'écran, quand le joueur enchaîne les combinaisons en
rythme. Un crève cœur pour celui qui se remémore ces moments cultes, et qui
devra en faire abstraction pour se concentrer sur son jeu. On notera que
pour certains épisodes, les extraits sont tirés de la version originale
japonaise.
«Field Music Stages» offre une progression en scrolling, en compagnie de nos
héros (parfois relayés par un chocobo), lancés dans une course folle dans de
verts pâturages. Les références sont distillées à doses très homéopathiques,
et on devine parfois certains environnements phares comme la BGU, la prison
du désert...
Enfin, les «Battle Music Stages» se déroulent de manière traditionnelle,
en arène, et nos quatre héros, enchaînent les notes pour affronter des
monstres (issus du bestiaire de la série). Plus les enchaînements sont
réussis, et plus les joutes deviennent spectaculaires, mettant alors en
scène les invocations de la série et certains autres sorts puissants. Une
vraie synergie se créée alors entre le gameplay, sa représentation
visuelle, et l'ambiance sonore.
Cette brève présentation constitue le cœur du gameplay, mais reste au
final la partie émergée de l'iceberg. Car si le scoring reste une une
motivation suffisante pour s'accoquiner avec Theatrhythm Final Fantasy
des heures durant, une dimension beaucoup plus stratégique s'installe
rapidement.
Au fil de vos succès, vous accumulerez différents items, compétences,
mais aussi de l'expérience. Vous déciderez alors de l'orientation de
chacun de vos personnages, en ornant leurs slots de compétences et autres
items d'importance.
Aussi, une section «Musée» met en valeur l'ensemble de vos exploits,
et matérialise les cartes que vous aurez préalablement dénichées,
disposées dans un classeur que l'on peut consulter à sa guise.
Comme si cela ne suffisait pas, le joueur en mal de sensations
fortes, et qui ne craint pas les défis arpentera les modes
«Challenge» et «Chaos Shrine», autrement plus corsés que le
mode original. De nouvelles pistes sont à débloquer, et les
notes s'enchaînent plus vicieusement que le mode «Séries», une
véritable promenade de santé en comparaison de ces défis. Le
titre devient alors increvable, et le joueur s'épuisera souvent
bien avant de mettre au tapis Theatrhythm.
Cette générosité dans le contenu trouve aussi un écho dans la dimension émotionnelle du titre. On sort presque ébouriffé de cette succession d'images, de petites anecdotes, qui nous rappellent à notre propre expérience avec la franchise. Des pistes mémorables, on en retrouve à la pelle. On ne présente plus One Winged Angel, illustrant à merveille la démesure de l'antagoniste Sephiroth, The Man With The Machine Gun lorgnant du côté de la rêverie du huitième opus, ou bien encore Beyond The Door à la poésie inoubliable. Les pistes sont toutes bien choisies, même si on s'étonne de l'absence de certaines autres, pourtant marquantes, comme Eyes on Me ; Fithos Lusec Wecos Vinosec ; Maybe I'm a Lion ; Otherworld... Si la sélection initiale est généreuse,le puriste ne pourra que regretter certains choix, parfois comblés par l'édition de DLC. Square Enix a en effet publié une quantité impressionnante de pistes optionnelles, offrant de nouvelles perspectives à celui qui aurait fait le tour du jeu. Ces DLC sont bien entendu facturés au joueur, qui décidera en toute conscience de l'intérêt de l'investissement. Cette manœuvre pernicieuse ternit quelque peu l'appréhension globale de l'œuvre, mais on se console sans mal en observant ce que la cartouche a dans le ventre.
Pour peu que le genre ne vous rebute pas, Theatrhythm Final Fantasy est une excellente affaire, jouant avec notre fibre nostalgique, sans jamais nous ennuyer. Les rouages du jeu permettent un plaisir immédiat, et le titre satisfera autant le néophyte que l'hardcore addict au scoring compulsif. On pourrait pester devant une salve ahurissante de DLC, mais le contenu initial se veut si riche, et immersif, que le reste paraît bien facultatif. En outre, l'univers FF est ici merveilleusement retranscrit avec un style unique, coloré, et en parfaite adéquation par l'expérience de jeu. Modeste et sans prétention, Theatrhythm Final Fantasy a semble t-il remporté son pari, permettant à la franchise de briller une nouvelle fois là où on ne l'attendait pas, mais n'est-ce pas là l'apanage des séries d'exception ?
Les captures d'écran nous ont généreusement été données par Square Enix France, merci à eux.